« Le jardin frissonne. La pluie tombe sur les fleurs. Feuille à feuille, un peu d'or tombe de l'acacia... » Voici venue la saison qui nous rend poètes.
Le silence est retombé sur la ferme. Sitôt les derniers clients partis, les yourtes ont été démontées et rentrées à l'abri. Comme chaque année, plier les toiles et les mettre au sec a été l'occasion d'un chantier-éclair. En jonglant avec les
jours de pluie ou juste la rosée du matin. Sans oublier les pannes du vieux tracteur.
Les couleurs d'automne embrasent les forêts et le domaine des ânes, en novembre. Pourtant, le spectacle ne durera guère cette
année. Quelques bourrasques de vent on tôt fait de dépouiller les arbres de leur belle parure. Maintenant, il est temps de retrousser nos manches et de nettoyer les espaces verts, autour de la
maison, du gîte, des yourtes et de la roulotte.
C'est la vie à la campagne, le vrai rural lifestyle !
On s'y met à deux. L'un de nous taille les arbustes, l'autre les passe au broyeur (et inversement au fil des jours). Le rouge-gorge que rien n'effraye guette à la sortie de l'engin, malgré le
bruit et les projections. En quête de quoi ? Lui seul le sait.
Le tas de paillis s'élève doucement. Il ira amender nos parterres de fleurs, nourrissant le sol et les lombrics, au passage. Pour « cleaner » les derniers débris restés à terre et
tailler la pelouse, la tondeuse fait une dernière sortie. Après, on la rangera jusqu'à l'année prochaine.
Je l'ai équipée d'un mulsher, bien adapté à ce genre de travaux. Il vaporise les brindilles et les tiges oubliés, mais aussi les feuilles de l'érable qui ont couvert l'herbe. C'est plus rapide
qu'avec le panier. À la fin, l'ensemble prend un air propret-coquet et qui fait plaisir à voir.
On a rassemblé, nos dernières forces ensuite et notre courage pour monter à l'échelle et tailler la vigne-vierge. Ses pousses de l'année ont colonisé la gouttière et celle-ci déborde à chaque
pluie un peu forte. Les lianes rouge vif tombent une à une et finiront dans le broyeur, comme le reste.
Combien de temps tout cela nous a-t-il pris ? Je ne sais pas, on ne compte pas. C'est un travail et aussi une détente, à sa manière.
Une fois remisés les outils barbares, que reste-t-il à faire au domaine ? Eh bien, il faut ranger proprement la sellerie des ânes et graisser le cuir des harnais. C'est un long travail, qui demande de la patience. On ne peut pas s'en débarrasser vite fait mal fait. Alors, quitte à s'y mettre,
je me suis trouvé une play list bien sentie et la musique s'élève doucement du chalet où je me suis installé. Elle résonne jusque dans les bois environnants, donnant des ailes à ce moment.
Le soir tombe à toute allure. Je poursuis mon travail dans le noir, juste éclairé par la petite lumière de mon néon. Pour un peu, on se ferait peur !
Je finis la journée avec les mains toutes huilées, ce qui est loin d'être désagréable. Je les sèche puis je range ce qui doit l'être. Enfin, je ferme derrière moi la petite porte verte. Un tour
de clé et voici la saison terminée !
